Succès partiel des recours constitutionnels dirigés contre la loi relative à la protection du climat devant le premier sénat de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, 24 mars 2021
Succès partiel des recours constitutionnels dirigés contre la loi relative à la protection du climat devant le premier sénat de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, 24 mars 2021
Dans son arrêt, le premier sénat de la Cour constitutionnelle fédérale a jugé que les dispositions de la loi du 12 décembre 2019 relative à la protection du climat (Klimaschutzgesetz – KSG) relatives aux objectifs nationaux pour protéger le climat ainsi que le volume des émissions annuelles permis jusqu’en 2030 ne sont pas conformes aux droits fondamentaux, dans la mesure où ne sont pas prévues des exigences suffisantes pour la réduction ultérieure des émissions à partir de l’année 2031. Pour le reste, les recours constitutionnels ont été rejetés.
➤ Voici les considérations principales de l’arrêt du premier sénat du 24 mars 2021
"La protection de la vie et de l’intégrité physique en vertu de l’article 2, alinéa 2, 1re phrase de la Loi fondamentale inclut une protection contre des atteintes aux intérêts protégés par les droits fondamentaux entraînées par des dégradations de l’environnement, quel qu’en soit l’auteur et quelles qu’en soient les causes. Le devoir de protection imposé à l’État par l’article 2, alinéa 2, 1re phrase de la Loi fondamentale inclut le devoir de protéger la vie et la santé humaines contre les dangers émanant du changement climatique. Il peut donner lieu à un devoir de protection objectif même envers des générations futures.
L’article 20a de la Loi fondamentale impose à l’État de protéger le climat. Cela inclut de viser à la réalisation de la neutralité climatique.
L’article 20a de la Loi fondamentale ne bénéficie pas d’une primauté absolue par rapport à d’autres intérêts, mais doit, en cas de conflit, être concilié avec d’autres droits et principes protégés par la Constitution. Dans le contexte de cette mise en balance d’intérêts, l’importance relative de l’obligation de protéger le climat continuera d’augmenter plus le changement climatique progressera.
Lorsque demeurent des incertitudes scientifiques quant à des relations de cause à effet en matière environnementale, le devoir particulier d’agir avec soin et diligence qui pèse sur le législateur en vertu de l’article 20a de la Loi fondamentale, y compris pour le bénéfice des générations futures, exige que, s’il existe déjà des indications fiables relatives à la possibilité d’une survenance de dommages environnementaux graves ou irréversibles, ces indications soient prises en considération.
En tant qu’obligation de protéger le climat, l’article 20a de la Loi fondamentale comporte une dimension internationale. Le fait que le climat et le réchauffement de la planète constituent des phénomènes mondiaux et que les problèmes causés par le changement climatique ne pourront être résolus par l’action d’un seul État ne fait pas obstacle à l’obligation formulée à l’échelon national de protéger le climat. L’obligation de protéger le climat exige de l’État qu’il agisse à l’échelon mondial pour poursuivre cet objectif dans le cadre de la coopération internationale. L’État ne saurait se dégager de sa responsabilité en soulignant les émissions de gaz à effet de serre produites par d’autres États.
Le législateur a exercé son devoir et sa prérogative de concrétiser l’objectif de protéger le climat formulé par l’article 20a de la Loi fondamentale, et il a procédé à une concrétisation conforme, en l’état actuel, à la Constitution lorsqu’il a adopté l’exigence de contenir l’augmentation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, et de préférence en dessous de 1,5 °C.
L’article 20a de la Loi fondamentale contient une norme juridique susceptible d’être invoquée en justice dont l’objectif est d’imposer au processus politique la prise en compte de préoccupations environnementales, notamment en ce qui concerne les générations futures.
La compatibilité avec l’article 20a de la Loi fondamentale constitue une condition préalable pour justifier en droit constitutionnel l’ingérence de l’État dans les droits fondamentaux.
Sous certaines conditions, la Loi fondamentale exige une préservation dans le temps de la liberté garantie par les droits fondamentaux et une répartition proportionnée des opportunités de liberté entre les générations. Dans leur dimension subjective, les droits fondamentaux – en tant que garanties intertemporelles de liberté – protègent contre un report unilatéral vers l’avenir de la charge imposée par l’article 20a de la Loi fondamentale de réduire les émissions de gaz à effet de serre. En outre, dans sa dimension objective, le devoir de protection formulé à l’article 20a de la Loi fondamentale englobe l’impératif de prendre soin des fondements naturels de la vie d’une manière qui permette de les léguer aux générations futures dans un état qui laisse à ces dernières un choix autre que celui de l’austérité radicale, si elles veulent continuer à préserver ces fondements.
Le ménagement de la liberté future exige en outre que le passage à la neutralité climatique soit amorcé à temps. Concrètement, il est indispensable de formuler bien à l’avance des exigences transparentes pour l’aménagement ultérieur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, lesquelles devront servir de cadre d’orientation pour les processus nécessaires de développement et de mise en œuvre et en même temps suffisamment pousser au développement et offrir une sécurité en matière de planification.
Le législateur est tenu de fixer lui-même les dispositions nécessaires relatives aux volumes totaux des émissions autorisées pendant une période donnée. Une simple participation du Parlement au moyen d’une approbation par le Bundestag de décrets pris par le gouvernement fédéral ne saurait remplacer la procédure législative pour fixer les dispositions relatives aux volumes d’émissions autorisées, car c’est précisément la fonction particulière de publicité caractérisant la procédure législative qui rend ici nécessaire l’adoption d'une législation parlementaire. Il est certes vrai que, dans des branches du droit caractérisées par un développement continu et des connaissances évolutives, une fixation par la loi peut avoir un effet néfaste pour la protection des droits fondamentaux. Toutefois, l’idée sous-jacente dans de tels cas de figure, à savoir celle d’une protection dynamique des droits fondamentaux (cf. la décision de principe dans Recueil BVerfGE 49, 89 <137>) ne peut être opposée dans le cas de l’espèce à l’exigence de légiférer. Le défi n’est pas d’adapter, afin d’assurer la protection des droits fondamentaux, des régimes juridiques pour être à la hauteur des évolutions et des connaissances, mais bien de réellement permettre, au moyen d’un régime juridique, des évolutions futures pour la protection des droits fondamentaux".
➤ Le texte de l'arrêt et le communiqué de presse sont disponibles en français :
- Pour découvrir l'arrêt du 24 mars 2021 - 1 BvR 2656/18, 1 BvR 78/20, 1 BvR 96/20 du premier sénat de la Cour constitutionnelle fédérale concernant les dispositions de la loi du 12 décembre 2019 relative à la protection du climat (Klimaschutzgesetz – KSG) :
- Pour lire le communiqué de presse no. 31/2021 du 29 avril 2021 :
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