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Retour sur la controverse autour du recours à l’article 11 ou à l’article 89 pour réviser la Constitution de 1958, Eric SALES, Maître de conférences de droit public, HDR, Faculté de droit et de science politique de l’Université de Montpellier, CERCOP
















Retour sur la controverse autour du recours à l’article 11 ou à l’article 89

pour réviser la Constitution de 1958

Eric SALES,

Maître de conférences de droit public, HDR,
Faculté de droit et de science politique de l’Université de Montpellier

La controverse autour du recours à l’article 11 ou à l’article 89 pour réviser la Constitution de 1958 est bien connue des constitutionnalistes. La différence entre ces deux dispositions constitutionnelles est pourtant nette, l’article 11 permettant l’organisation d’un référendum législatif – pour faire voter par le peuple une loi ordinaire dans un domaine juridiquement déterminé – alors que l’article 89 peut déboucher sur un référendum constituant – par lequel le souverain valide une loi constitutionnelle – après l’adoption préalable du projet de loi en termes identiques par les deux chambres du Parlement. La discussion porte en réalité sur une distinction établie entre la lettre de la Constitution et sa pratique bien synthétisée notamment, en dehors du contexte politique actuel, par une opposition doctrinale entre David Mongoin[1] et Denys de Béchillon[2]. La controverse est importante et toujours actuelle.

Elle est d’abord essentielle eu égard à la question centrale de la rigidité de principe de la Constitution. En effet, si on révise comme on veut en utilisant l’article 11, la Constitution est souple puisque modifiable par une loi ordinaire, référendaire soit-elle. Le pouvoir politique pourrait donc changer à sa guise le texte constitutionnel en faisant valider ses options constitutionnelles par le peuple. Or, dans un Etat de droit, le droit constitutionnel n’est pas là pour servir le pouvoir politique. Par essence, il est un droit de limitation du pouvoir.

Ensuite, elle est toujours d’actualité. Elle l’était déjà au début du mandat d’Emmanuel Macron avec sa volonté affichée d’utiliser l’instrument référendaire pour mener à terme ses projets constitutionnels de réforme[3]. La question se posait de savoir si l’article 11 pouvait être utilisé pour lui permettre de surmonter l’opposition du Sénat[4]. La chambre haute a pu faire entendre sa voix dissidente par l’intermédiaire du Président Larcher tout en faisant état de contre-propositions constitutionnelles présentes dans le rapport sénatorial de 2018. Finalement, l’affaire Benalla, la crise des gilets jaunes suivie de la pandémie de la covid 19 ont emporté avec elles toute velléité de changements. Dans le cadre de la campagne présidentielle de 2022, Marine Le Pen a fait connaître son intention de recourir à l’article 11 pour l’organisation d’un référendum législatif sur la politique française en matière d’immigration[5] tout en envisageant clairement de s’en servir – en se réclamant de la pratique gaullienne initiée en 1962 et réitérée en 1969 – pour modifier le texte constitutionnel en y intégrant les règles de la nationalité française et la priorité nationale pour certaines prestations sociales ainsi que pour l’accès à l’emploi et au logement social. Le débat est donc relancé entre constitutionnalistes, certains allant jusqu’à présenter les défenseurs de l’exclusivité du recours à l’article 89 pour réviser la Constitution[6] de « juristes militants » dans le but de discréditer leurs analyses[7]. Si la formule est malheureuse car elle peut être simplement renvoyée pour identifier celles et ceux qui soutiennent la validité du recours à l’article 11 pour réformer le texte fondamental, la récurrence de l’actualité donne surtout l’occasion de rappeler la pratique gaullienne de l’utilisation de l’article 11 pour modifier la Constitution (I), en critiquant les arguments en faveur de sa permanence et de sa régularité (II) et en insistant sur la seule voie exploitable en la présence de l’article 89 (III).

I – Le rappel de la pratique gaullienne de l’utilisation de l’article 11 pour réviser la Constitution

L’utilisation de l’article 11 par De Gaulle en 1962 et en 1969 a été réalisée avec les mêmes arguments juridiques à des fins politique et stratégique. Sur le terrain de la justification en droit, pour le Président de l’époque, l’article 11 permet de faire voter par le peuple une réforme relative « aux pouvoirs publics ». En 1962, il est donc possible de demander aux citoyens de dire si ils sont favorables ou non à l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel direct car le Président de la République est bien un « pouvoir public ». En 1969, il est donc envisageable de demander au souverain si il est d’accord pour transformer le Sénat en chambre consultative et le fusionner avec le Conseil économique et social car la chambre haute est également un « pouvoir public ». Par ailleurs, le peuple a validé la Constitution par le référendum du mois de septembre 1958, il est donc le mieux placé pour voter directement sa modification. Le parallélisme des formes est respecté car le souverain peut défaire, refaire, amender ce qu’il a précédemment décidé.

Sur le terrain de la finalité poursuivie, l’interprétation délivrée par De Gaulle sert des objectifs politiques en évitant un blocage de même nature. En 1962, il s’agit de maintenir la place centrale occupée par la présidence de la République dans l’architecture constitutionnelle en donnant, par le suffrage universel direct, toute la légitimité nécessaire à ses successeurs. En 1969, il est question « d’anéantir » le Sénat ayant incarné l’opposition au gaullisme en lui ôtant son caractère représentatif (fusion avec le conseil économique et social composé de membres nommés) et en lui enlevant l’un des attributs essentiel à toute chambre parlementaire (le vote des lois). Dans ces deux illustrations, De Gaulle évite soigneusement tout blocage politique car le recours à l’article 89 de la Constitution nécessite préalablement le vote de la réforme constitutionnelle de façon identique par les deux chambres du Parlement. Il savait pertinemment qu’il rencontrerait sur son chemin une opposition parlementaire dans le cadre du « sas » du même nom. Avec l’article 11, le lien direct entre le Président et les citoyens peut être établi en contournant les représentants de la nation.

II – Les arguments discutables en faveur de la permanence et de la régularité de la pratique gaullienne

Certains juristes de droit public défendent la thèse de la validité juridique du recours au référendum de l’article 11[8] pour réviser la Constitution car le Président est libre – en tant qu’interprète authentique du texte fondamental – de choisir la modalité des réformes constitutionnelles. Ils retiennent pour ce faire trois arguments principaux en mettant en évidence l’existence d’une coutume constitutionnelle, l’absence de sanction juridictionnelle et la validation populaire dont elle a déjà fait l’objet.

L’invocation de l’existence d’une coutume constitutionnelle dans le cadre d’un système reposant sur du droit constitutionnel écrit ne manque pas de surprendre. Toutefois, David Mongoin estime que la Constitution « a été complétée par l’instauration « coutumière » d’une procédure de révision constitutionnelle fondée sur l’article 11 de la Constitution » tout comme celle-ci a pu être « complétée par l’instauration « coutumière » d’une responsabilité du Premier ministre devant le Président de la République »[9]. L’auteur rappelle, en outre, que cette conception a également été exprimée par François Mitterrand considérant que « l’usage établi et approuvé par le peuple peut désormais être considéré comme une des voies de la révision, concurremment avec l’article 89 »[10]. Il convient cependant de remarquer que ce même François Mitterrand, tout comme les autres présidents de la République après De Gaulle, s’est bien gardé d’emprunter cette voie. En conséquence, il est possible de se demander où se retrouve la répétition ? En dehors de la pratique gaullienne initiée en 1962 et réitérée sans succès en 1969, il est bien difficile de mettre en exergue un précédent régulièrement répété dans le temps et ne connaissant aucune exception. Il existe simplement ici une pratique politique[11] isolée ou une convention de la Constitution caractérisée selon Pierre Avril à la suite d’une seule utilisation. Nul besoin donc d’aller plus loin et de questionner l’existence d’un sentiment partagé autour du caractère obligatoire de la règle.

L’absence de sanction juridictionnelle est, ensuite, mise en évidence pour démontrer la pertinence de cette pratique institutionnelle. La décision du Conseil constitutionnel du 6 novembre 1962, par laquelle celui-ci a décliné sa compétence pour le contrôle des lois référendaires en estimant qu’il ne pouvait examiner que les lois votées par les représentants du peuple et non celles exprimant directement la volonté du souverain, a « eu pour effet de fixer jusqu’à aujourd’hui sinon les termes du débat du moins le principe de l’injusticiabilité de la loi référendaire »[12]. Toutefois, il n’est pas interdit de discuter de la pertinence de cette jurisprudence car l’article 61 ne distingue pas entre les lois (ordinaires, constitutionnelles, référendaires…) celles qui peuvent faire l’objet d’un contrôle et celles qui en sont exclues[13]. En outre, la référence faite par le Conseil constitutionnel à « l’esprit de la Constitution » pour limiter son action au seul examen des lois votées par les représentants du peuple se comprend sans doute comme une façon de s’incliner devant De Gaulle et comme une parade pour éviter d’être confronté à la décision du souverain[14].

Toujours dans la même logique, certains auteurs considèrent que la décision Hauchemaille du Conseil constitutionnel du 25 juillet 2000 ne lui permettrait pas de se prononcer sur l’inconstitutionnalité du recours à l’article 11 de la Constitution pour réviser le texte fondamental car les juges constitutionnels ont développé cette jurisprudence dans le cadre du référendum de l’article 89 et parce que le contrôle, réalisé dans le cadre d’un contentieux électoral et non de constitutionnalité, était simplement formel pour vérifier l’absence de contreseing de deux ministres[15].

Enfin, le dernier argument – construit autour de la précédente affirmation de F. Mitterrand – consiste à affirmer que la réponse favorable du peuple à la question posée en 1962 (voulez-vous que le Président de la République soit élu au suffrage universel direct ?) conduit à considérer que ce même peuple a également validé la procédure suivie et donc le recours à l’article 11 pour réformer la Constitution. Ici, la position est bien commode car le souverain aurait finalement régularisé une violation manifeste du texte fondamental. Si l’issue ainsi offerte est finalement réconfortante car elle évite de frapper « d’inconstitutionnalité toutes les élections présidentielles au suffrage universel direct depuis 1965[16] », elle n’en reste pas moins discutable. En effet, si en démocratie le peuple a le droit de s’exprimer il est curieux de lui faire dire ce qu’il n’a pas directement formulé. Par ailleurs, si l’on retient un tel argument, que dire du référendum de 1969 par lequel le peuple a refusé la réforme du Sénat et la régionalisation ? Le peuple a-t-il aussi sanctionné l’utilisation d’une mauvaise procédure de révision ?

III – La pertinence des arguments en faveur de l’article 89 pour la révision de la Constitution

La majorité de la doctrine publiciste se rassemble autour de l’exclusivité de l’article 89 de la Constitution pour procéder à la révision du texte fondamental. A titre principal, trois arguments peuvent être avancés en la matière au titre desquels cette disposition a quasiment toujours été exploitée pour l’adoption de lois constitutionnelles en raison de son rattachement explicite au titre XVI de la Constitution intitulé « de la révision ». Son non-respect pourrait, en outre, être constaté et sanctionné par le Conseil constitutionnel, en amont, avant le vote de la loi.

A titre préalable, un premier argument rarement souligné mérite d’être mis en évidence en faveur de l’utilisation de l’article 89 de la Constitution pour l’adoption d’une loi constitutionnelle. Entre 1958 et nos jours, sur les vingt-quatre révisions intervenues vingt-trois l’ont été par son intermédiaire sous des présidences différentes. Ainsi Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont opté pour cette disposition afin d’amender le texte constitutionnel en privilégiant il est vrai le recours au Congrès et en ne retenant qu’une seule fois celui du référendum constituant[17]. Seul le général De Gaulle a marqué, de façon totalement isolée, sa préférence pour l’exploitation de l’article 11 en créant des réactions sans précédent dans l’histoire de la Vème République. Le Conseil d’Etat d’abord, consulté de façon obligatoire sur les projets de loi, a souligné en amont l’irrégularité procédurale commise. Les députés, ensuite, ont voté la seule motion de censure de toute la Vème République en mettant en exergue une méconnaissance flagrante de la démocratie laquelle implique, avant toute chose, le respect de la Constitution. Le Président du Sénat, enfin, reprendra ces arguments en saisissant le Conseil constitutionnel pour qu’il censure la loi référendaire. Bref, l’année 1962 reste celle d’une crise politique importante liée à un « forçage » de la Constitution.

Ensuite, la Constitution retient une procédure spécfique et exclusive décrite à l’article 89 et placée sous un titre consacré à sa révision[18]. Lorsque l’initiative est parlementaire, la proposition de loi constitutionnelle – une fois adoptée en termes identiques par les deux chambres du Parlement – doit être soumise par le Président de la République au référendum pour rendre la révision définitive. Quand l’initiative relève du Président sur proposition du Premier ministre, le projet de loi constitutionnelle – adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat – peut être soumis par le chef de l’Etat au vote du Congrès pour qu’il l’approuve à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ou au référendum. L’article 89 aménage donc un « sas » parlementaire impliquant la nécessaire consultation des députés et des sénateurs et leur donnant un pouvoir déterminant de validation ou de blocage des révisions constitutionnelles. Il existe donc « quelques contraintes juridiques en ce bas monde, dont il résulte, entre autres, l'impossibilité de recourir directement au vote populaire pour transformer la Constitution »[19].

La préférence exprimée par Marine Le Pen pour l’article 11 de la Constitution pour y introduire sa politique de préférence nationale se comprend donc facilement. Si elle est élue, elle n’est effectivement pas sûre de pouvoir disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale et le Sénat – principalement composé de membres rattachés au parti Les Républicains au moins jusqu’en 2023 – fera vraisemblablement entendre son opposition de principe. Pour surmonter l’obstacle parlementaire elle a, en conséquence, tout intérêt à se réclamer du précédent de 1962 pour organiser une consultation référendaire directe. Néanmoins, sa lecture de la Constitution pourra, le cas échéant, être soumise à titre préalable à l’appréciation du Conseil constitutionnel.

Enfin, si le Conseil constitutionnel n’a toujours pas abandonné sa jurisprudence par laquelle il refuse de contrôler la constitutionnalité des lois référendaires, il ne faut pas exclure trop rapidement le rôle qui est le sien en ce qui concerne la régularité des opérations de référendum prévues aux articles 11 et 89 de la Constitution[20]. En effet, dans une décision rendue le 25 juillet 2000[21], les juges constitutionnels ont accepté, pour la première fois, leur compétence juridictionnelle exceptionnelle pour connaître d’un acte préparatoire au référendum, en vertu de la mission générale de contrôle de la régularité des opérations référendaires qui leur est conférée par l’article 60 de la Constitution, lorsque « l'irrecevabilité qui serait opposée au recours risquerait de compromettre gravement l'efficacité de son contrôle des opérations référendaires, vicierait le déroulement général de vote à intervenir ou porterait atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics ». En conséquence, il est possible de contester devant eux le décret décidant de soumettre un texte de loi à référendum en mettant notamment en évidence une ou plusieurs irrégularités concernant les opérations référendaires. Le Conseil, dans ce cas, s’intéressera nécessairement à la question qui sera posée au peuple. S’il s’avère que le Président de la République a décidé de privilégier la voie du référendum de l’article 11 de la Constitution pour soumettre au peuple un projet de révision de la Constitution, le Conseil constitutionnel pourrait décider qu’il s’agit ici d’un cas bien particulier pour lequel l’irrecevabilité opposée au recours serait constitutive d’une « atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics ». Il lui suffirait, ensuite, de préciser que le fonctionnement normal des pouvoirs publics implique effectivement de recourir exclusivement à l’article 89 pour modifier le texte fondamental. Ce faisant, le Conseil empêcherait simplement le pouvoir exécutif de poser au peuple souverain « une question qu'il n'a pas le droit de lui poser »[22] sans s’opposer directement à la volonté dudit peuple. On retrouve ici une distinction importante déjà évoquée par René Cassin lors de la délibération du Conseil sur sa décision de 1962[23]. En outre, les juges constitutionnels pourraient également s’opposer à la tenue d’un référendum législatif qui ne respecterait pas le champ d’application de l’article 11 ou qui contreviendrait à la Constitution, à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ou encore au Préambule de la Constitution de 1946[24].

Les décisions du Conseil, en observation de l’article 62 de la Constitution, s’imposant aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, il ne serait donc plus possible d’organiser un référendum contraire à la Constitution. Si toutefois, le chef d’Etat en exercice refusait de s’y soumettre, il commettrait une violation manifeste de la Constitution qui pourrait être sanctionnée par la mise en œuvre d’une procédure de destitution prévue par le texte fondamental. À ce titre, le Président peut être destitué par la Haute cour dans l’hypothèse d’un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat (article 68). Le Président étant le gardien du bon fonctionnement des institutions et de la Constitution (article 5), la méconnaissance d’une décision du Conseil constitutionnel pourrait être constitutive d’un tel manquement. Ceci étant encore faut-il que la destitution soit prononcée par les deux tiers des membres qui composent la Haute cour, c’est-à-dire par les deux tiers des parlementaires. Cela reste difficile à déclencher et à finaliser car tout dépend de la « carte politique » du moment. En outre, cette procédure n’a jamais été utilisée depuis sa reconnaissance par une révision constitutionnelle de 2007. De façon sans doute plus déterminante, les nombreux acteurs qui interviennent concrètement dans l’organisation d’un référendum jugé contraire à la Constitution – préfets, maires, responsables de bureaux de vote – pourraient avoir à répondre de leurs actes devant les tribunaux correctionnels ainsi que le souligne justement Denys de Béchillon[25]. En dehors de ces cas de figure, le gouvernement pourrait également faire l’objet d’une motion de censure à l’image de ce qui s’est déjà produit en 1962 afin de sanctionner indirectement De Gaulle en renversant le gouvernement Pompidou. Dans cette configuration, le Président du moment pourrait, en réponse, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale (comme en 1962) dans le but de faire arbitrer par le peuple ce conflit politico-juridique à l’occasion d’élections législatives anticipées.

Pour terminer, il pourrait être envisagé d’introduire dans la Constitution le contrôle de constitutionnalité préventif obligatoire des projets de loi référendaire comme cela existe pour les propositions de loi dans le cadre du référendum d’initiative partagée depuis 2008. Il y a deux mérites à cela : établir une égalité de traitement des référendums quelle que soit leur origine ; organiser systématiquement une intervention du Conseil constitutionnel avant que le peuple ne se prononce afin que le référendum ne soit pas instrumentalisé par le pouvoir politique pour renverser l’ordre constitutionnel.

[1] David Mongoin, « Pour en finir avec le (fantasme du) constitutionnalisme dogmatique », 15 février 2019, http://blog.juspoliticum.com/2019/02/15/pour-en-finir-avec-le-fantasme-du-constitutionnalisme-dogmatique-par-david-mongoin/

[2] Denys de Béchillon, « Pour en finir avec le (fantasme du) référendum constituant », le Point du 12 février 2019, https://www.lepoint.fr/debats/bechillon-pour-en-finir-avec-le-fantasme-du-referendum-constituant-13-02-2019-2292938_2.php

[3] Le recours à l’article 11 de la Constitution était également évoqué pour faire entériner celles des réformes qui ne nécessitent pas de réviser le texte fondamental : réduction du nombre de parlementaires et introduction d’une dose de proportionnelle pour les élections législatives.

[4] Laure EGUY, « Référendum : Macron tenté par la carte De Gaulle », Libération, 29 janvier 2018, https://www.liberation.fr/france/2018/01/29/referendum-macron-tente-par-la-carte-de-gaulle_1626001/

[5] L’article 11 – juridiquement borné – n’offre pas de « porte d’entrée » pour l’organisation d’un tel référendum. Son champ d’application concerne l’organisation des pouvoirs publics, les réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourrent, la ratification d’un traité international qui, sans être contraire à la Constitution, a des incidences sur le fonctionnement des institutions.

[6] V. Assma Maad, « Marine Le Pen et l’Etat de droit : ce que les juristes disent de son projet de révision des institutions », Le Monde du 13 avril 2022, https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/04/13/marine-le-pen-et-le-referendum-sur-l-immigration-une-revision-de-la-constitution-difficilement-realisable_6122005_4355770.html ; v. également La tribune signée par un collectif de professeurs de droit public, « Être démocratiquement élu n’autorise pas à méconnaître la Constitution ! », Midi Libre, 16 avril 2022, https://www.midilibre.fr/elections/presidentielle/tribune-etre-democratiquement-elu-nautorise-pas-a-meconnaitre-la-constitution-10240960.php

[7] Serge Sur, « La Constitution contre la démocratie ? », Les Invités de LLC, mardi 19 avril 2022, http://libertescheries.blogspot.com/2022/04/les-invites-de-llc-serge-sur-la.html

[8] V. notamment David Mongoin, « Pour en finir avec le (fantasme du) constitutionnalisme dogmatique », op. cit ; Serge Sur, « La Constitution contre la démocratie ? », op. cit ; Eleonora Bottini et Charlotte Girard, « Réviser la Constitution par référendum : la pratique peut-elle contredire le texte ? », The Conversation, 19 avril 2022, https://theconversation.com/reviser-la-constitution-par-referendum-la-pratique-peut-elle-contredire-le-texte-181425

[9] David Mongoin, op. cit. L’auteur reconnaît néanmoins que l’argument de la « coutume constitutionnelle », par nature indécidable car dépendant de l’« idée » que l’on se fait du droit constitutionnel, ne saurait suffire.

[10] F. Mitterrand, « Sur les institutions », Revue Pouvoirs, 45, 1988.

[11] Eleonora Bottini et Charlotte Girard, tout comme Serge Sur, préfèrent le terme de pratique en y ajoutant en support, pour ce dernier, les articles 3 et 5 de la Constitution en observation desquels la souveraineté nationale appartient au peuple et le Président de la République est l’interprète de droit commun de la Constitution.

[12] V. David Mongoin, op. cit.

[13] Selon Serge Sur, la référence à « tout projet de loi » dans l’article 11 permet de reconnaître la possibilité d’y ranger « tout projet de loi constitutionnelle ». Dans la même logique interprétative, l’article 61 alinéa 2, précisant que « les lois » peuvent être déférées au Conseil avant leur promulgation, n’exclut pas les lois référendaires.

[14] David Mongoin estime d’ailleurs cette décision « politiquement opportune mais juridiquement contestable ».

[15] V. Eleonora Bottini et Charlotte Girard, op.cit.

[16] V. Serge Sur, op. cit.

[17] Référendum du 28 septembre 2000 concernant le passage au quinquennat présidentiel à l’occasion duquel le « oui » a réuni 73 % des suffrages exprimés avec toutefois une abstention record de 70 % des inscrits.

[18] Olivier Pluen fait remarquer qu’il « convient également de se souvenir qu’a perduré dans la Constitution, jusqu’en 1995, un article 85 relatif aux modalités de révision du titre XIII jusqu’alors consacré à la « Communauté » franco-africaine et malgache, et commençant par les mots : « Par dérogation à la procédure prévue à l’article 89, […] ». Rien de comparable n’a été prévu s’agissant des rapports entre la procédure de l’article 89 et celle de l’article 11… », Olivier Pluen, « Réviser la Constitution au moyen du référendum de l’article 11 : l’apport (également contrariant) de l’histoire constitutionnelle », Le blog du club des juristes, 21 avril 2022, https://blog.leclubdesjuristes.com/presidentielles-2022/reviser-la-constitution-au-moyen-du-referendum-de-larticle-11-lapport-egalement-contrariant-de-lhistoire-constitutionnelle/

[19] Denys de Béchillon, « Pour en finir avec le (fantasme du) référendum constituant », le Point du 12 février 2019. L’auteur rajoute qu’il faut tirer toutes les conséquences de l'article 89 qui est le seul à traiter expressément de la mutation constitutionnelle : « On ne peut pas imaginer que les auteurs de ce texte, en 1958, aient poussé l'absurdité au point de conditionner, d'une main, la révision à un accord préalable du Parlement tout en autorisant, de l'autre, le Président de la République à se passer de cet accord. Puisque la Constitution prévoit en toutes lettres, dans un article dédié, qu'elle ne peut être elle-même modifiée sans l'aval des deux Chambres, c'est qu'il est inconstitutionnel de se passer de leur assentiment ».

[20] V. L’article 60 de la Constitution.

[21] CC, décision n° 2000-21 REF du 25 juillet 2000, sur une requête présentée par Monsieur Stéphane Hauchemaille, Journal officiel du 29 juillet 2000, page 11768.

[22] Denys de Béchillon, « Pour en finir avec le (fantasme du) référendum constituant », op. cit.

[23] V. Olivier Pluen, op. cit.

[24] CC, Décision n° 2005-31 REF du 24 mars 2005, sur des requêtes présentées par Monsieur Stéphane Hauchemaille et par Monsieur Alain Meyet, Journal officiel du 31 mars 2005, page 5834, texte n° 85. A ce propos, voir également Denys de Béchillon, « Programme de Marine Le Pen : le recours direct au référendum constituant se heurte à des obstacles juridiques infranchissables », Le blog du club des juristes, 19 avril 2022, https://blog.leclubdesjuristes.com/programme-de-marine-le-pen-le-recours-direct-au-referendum-constituant-se-heurte-a-des-obstacles-juridiques-infranchissables/.

[25] Denys de Béchillon, « Programme de Marine Le Pen : le recours direct au référendum constituant se heurte à des obstacles juridiques infranchissables », op. cit. L’auteur évoque en particulier l’article 432-1 du Code pénal qui dispose que « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ». Les articles 434-24 et suivants répriment les « atteintes à l’autorité de la justice ».



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