Comment articuler RIP et loi sur les retraites ?, Dominique ROUSSEAU, Professeur de droit public Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Membre honoraire de l’Institut universitaire de France
Comment articuler RIP et loi sur les retraites ?
Dominique ROUSSEAU,
Professeur de droit public Université Paris 1 Panthéon Sorbonne,
Membre honoraire de l’Institut universitaire de France
Le Conseil constitutionnel vient d’être saisi, le 20 mars 2023 d’une proposition de loi référendaire visant à affirmer que l'âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans et, le 21 mars 2023, de la loi parlementaire fixant à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite. Comme l’avait observé le Conseil dans sa décision du 18 juin 2020 la question de l’articulation entre l’initiative parlementaire en faveur d’un RIP et les travaux législatifs ayant le même objet « pourrait être redéfinie dans le sens d’une plus grande lisibilité ». Faute d’avoir été écouté, le Conseil doit aujourd’hui gérer cette « articulation ».
Le RIP d’abord. L’article 11 énonce qu’il ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une loi promulguée depuis moins d’un an et le Conseil, dans sa décision du 9 mai 2019, a jugé que le point de départ de ce délai était la date d’enregistrement de la saisine. Or, le 20 mars 2023, date d’enregistrement de la saisine, la loi sur la réforme du régime des retraites n’a pas été promulguée. Le Conseil devrait donc juger recevable la proposition référendaire dès lors qu’elle a été signée par un cinquième des parlementaires et que son objet porte sur la politique sociale de la Nation et relève donc des objets mentionnés au premier alinéa de l’article 11.
La saisine de la loi portant à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite ensuite. Première hypothèse, la loi est censurée pour atteinte manifeste au principe constitutionnel de clarté et de sincérité des débats parlementaires ; elle ne peut donc être promulguée et le RIP peut continuer à prospérer. Seconde hypothèse, la loi est validée par le Conseil ; elle est donc promulguée et là commencent les difficultés. En effet, le RIP peut continuer à prospérer puisqu’à la date d’enregistrement de la saisine la loi n’était pas promulguée. En conséquence, les auteurs du RIP vont partir recueillir les signatures d’un dixième des électeurs inscrits (environ 4,8 millions) ; ils ont neuf mois pour les obtenir soit jusqu’au janvier 2024. Chiffre important sans doute qui n’avait pas été atteint pour la proposition référendaire contre la privatisation des aérodromes de Paris ; mais, au regard de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites, il n’est pas impossible que la proposition fixant à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite recueille les 4,8 millions de signatures. Une fois que le Conseil aura vérifié l’exactitude des signatures, le Parlement a six mois pour examiner la proposition référendaire. S’il l’examine, il parait politiquement très difficile qu’il ne reprenne pas la proposition qui aurait recueilli près de 5 millions de signatures de fixer à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite, ce qui devrait le conduire logiquement à annuler la loi qui le fixe à 64 ans. S’il ne l’examine pas, le Président de la République doit organiser un référendum et si le résultat est positif, la loi référendaire serait promulguée.
Compliqué ? Long ? Entortillé ? Sans doute. Il est une solution plus simple. En 2019, le gouvernement a suspendu l’application la loi promulguée privatisant les Aérodromes de Paris au vu de l’état des marchés financiers. S’il a été sensible à l’état des marchés financiers, il pourrait, aujourd’hui, être sensible à l’état de la société française et, si le Conseil valide la loi, décider de suspendre son application jusqu’au résultat du RIP. A moins encore que le Président Macron s’inspire du Président Chirac qui après avoir promulgué la loi CPE adoptée par le 49-3 et validée par le Conseil constitutionnel annonçait le soir même qu’il demandait à son gouvernement de ne pas l’appliquer.
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