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« Le référendum parapluie », Eric SALES, Maître de conférences de droit public, HDR, Faculté de droit de l’Université de Montpellier, CERCOP

   « Le référendum parapluie », 

Eric SALES,  Maître de conférences de droit public, HDR,  Faculté de droit de l’Université de Montpellier, CERCOP

    Alors que tombe une pluie de contestations contre la gestion de la COVID, contre la loi sur la sécurité globale, contre les atteintes aux libertés en période de crise, contre les menaces pesant sur le statut des enseignants-chercheurs, contre le sort réservés aux migrants, contre la méconnaissance du travail de la Convention citoyenne sur le climat…, le Président de la République a décidé de sortir le « référendum parapluie » pour inscrire dans la Constitution la protection de l’environnement ! Une consultation populaire pour faire démocratique, pour permettre au peuple de participer à la prise de décision politique et surtout pour donner au chef de l’Etat le soutien qu’il attend après avoir dépassé la moitié de son actuel mandat et pour mesurer ses chances de réussite aux futures présidentielles. Un « référendum parapluie » car il vise un objectif louable et très faiblement polémique en dissimulant grossièrement un but politique personnel.

   La procédure à suivre en la matière implique le recours à l’article 89 de la Constitution et le vote préalable et nécessaire de la loi constitutionnelle en termes identiques par les deux chambres du Parlement. Emmanuel Macron trouvera donc sur le chemin de sa réforme le Sénat au sein duquel la droite est politiquement majoritaire. Ici, deux cas de figure sont possibles. Soit le Sénat fait connaître son opposition et la chambre de la raison sera immédiatement désignée comme responsable d’un conservatisme destructeur. Soit le Sénat permet au chef de l’Etat de mener la procédure constituante à son terme en apparaissant par la même occasion comme la chambre de la modernité soucieuse de la préservation de l’environnement. Le piège tendu est facilement perceptible : à lui seul, le sujet choisi commande une réaction sénatoriale positive de la même façon qu’il dirige la décision populaire finale. A la question « voulez-vous intégrer les notions de biodiversité, d’environnement, de lutte contre le réchauffement climatique dans l’article 1 de la Constitution ? » une unique et évidente réponse favorable s’impose de la part de l’institution parlementaire et du peuple souverain : « oui… au Président ! »

   Or, rien n’est moins sûr pour une raison centrale et banale. L’environnement et sa protection sont déjà dans la Constitution : dans la charte constitutionnelle de l’environnement présente dans le préambule du texte fondamental avec ses dix articles depuis 2005 (Loi constitutionnelle n° 2005-205, du 1er  mars 2005, JO du 2 mars 2005, p. 3697.) ; depuis 2008, dans l’article 11 de la Constitution en permettant par référendum législatif de demander au peuple de voter une réforme relative à la politique environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent ; dans l’article 34 de la Constitution en prévoyant que la loi détermine les principes fondamentaux de la préservation de l’environnement ; dans la jurisprudence constitutionnelle aussi où la charte de l’environnement est régulièrement visée (CC, n° 2005-514 DC, du 28 avril 2005, Rec., p. 78.), où l’environnement est décliné en tant qu’objectif de valeur constitutionnelle (CC, n° 2019-823 QPC, du 31 janvier 2020, JORF n° 0027 du 1er février 2000, texte n° 100.) en fixant au Parlement une exigence de non-régression dans la détermination de la législation en la matière (CC, n° 2020-809 DC, du 10 décembre 2020, cons. 9 et 13.). En envisageant d’inscrire l’environnement dans la Constitution par référendum, le chef de l’Etat brandit donc un parapluie qui l’empêche de voir ce qui y est déjà inscrit à l’image d’un autre responsable politique qui réclamait récemment d’introduire le principe de laïcité dans le texte fondamental alors qu’il est dans la sphère constitutionnelle – avec continuité – depuis 1946.

   En revanche, s’il s’agit de proposer l’organisation d’un référendum – législatif et non constituant – pour traduire concrètement dans la loi les propositions faites par les citoyens dans le cadre de la Convention climat, le choix est ici plus judicieux (V. https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/pdf/ccc-rapport-final.pdf). Il est possible en raison de l’article 11 précité. Il est logique pour soumettre la réflexion des citoyens tirés au sort au peuple tout entier. Il poursuivrait, en outre, le même objectif : sonder la popularité du chef de l’Etat ! Plus encore, afin de ne pas court-circuiter l’institution parlementaire, un référendum d’initiative partagé est également envisageable dans la mesure où il couvre le champ d’application de l’article 11 et donc la matière environnementale. Il pourrait prendre pour point de départ les propositions faites par les citoyens tirés au sort de la Convention climat, relayées par une initiative parlementaire constitutionnellement prévue – il faut 185 parlementaires – soutenue par ailleurs par les signatures de 10 % du corps électoral. En conséquence, les solutions juridiques existent pour la mise en place d’une vraie consultation populaire sur une grande loi ordinaire en matière environnementale. Elle est sans aucun doute préférable à un référendum constituant résidant dans une simple manœuvre politique présidentielle. Avant que la colère populaire ne s’installe et n’amène le pouvoir à inventer un paratonnerre, il serait bon de prendre le droit constitutionnel au sérieux !


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