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« Combattre la surpopulation carcérale et l'indignité des conditions de détention. Dans les coulisses d'une « guérilla contentieuse », Nicolas FERRAN, Revue des droits de l’Homme, Actualités Droits-Libertés, 15 février 2021.



Pour bien comprendre l'actualité contentieuse sur les conditions de détention, à découvrir en accès direct dans la Revue des droits de l’Homme (Actualités Droits-Libertés, 15 février 2021) : Nicolas FERRAN, « Combattre la surpopulation carcérale et l'indignité des conditions de détention. Dans les coulisses d'une « guérilla contentieuse ».

   "Dans une décision J.M.B. et autres c. France historique, la CEDH a, le 30 janvier 2020, sévèrement condamné la France pour ses conditions de détention et l’a sommée de mettre un terme à la surpopulation carcérale qui gangrène ses prisons depuis des décennies ainsi que de garantir aux personnes incarcérées une voie de recours effective contre les conditions indignes de détention. Dans les mois qui ont suivi, les retombées de cette admonestation européenne ont été importantes dans les jurisprudences de la Cour de cassation, du Conseil constitutionnel ou du Conseil d'État. Fruit d’une campagne contentieuse initiée et orchestrée par la Section française de l'Observatoire international des prisons (OIP-SF) depuis plusieurs années, cette séquence jurisprudentielle - qui appelle à un plus grand respect des droits fondamentaux des personnes détenues - a été précédée par nombre de tentatives infructueuses, revers, d'étapes franchies et revirements. Plongée dans les coulisses d'une « guérilla contentieuse ».

    Il y a un an, le 30 janvier 2020, l'arrêt J.M.B. et autres c. France de la Cour européenne des droits de l’homme constatait l’indignité des conditions dans lesquelles 27 personnes avaient été détenues dans six établissements pénitentiaires français, en violation de l’article 3 de la Convention européenne qui prohibe les traitements inhumains et dégradants. Surpopulation, vétusté et insalubrité des locaux, hygiène défaillante, promiscuité et absence d’intimité, manque d’activités, climat de violence plus ou moins larvée, etc. : la description par les requérants de leurs conditions de détention était glaçante. Constatant par ailleurs que ces derniers n’avaient pas disposé d’une voie de recours leur permettant d’obtenir la cessation de ces mauvais traitements, la Cour concluait également à la violation du droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention. Surtout, au vu du caractère structurel des mauvaises conditions d’incarcération sanctionnées, elle recommandait à l’État français « l’adoption de mesures générales » visant à « garantir aux détenus des conditions de détention conformes à l’article 3 », en assurant notamment la « résorption définitive de la surpopulation carcérale ». Elle indiquait également que « devrait être établi un recours préventif permettant aux détenus, de manière effective, en combinaison avec le recours indemnitaire (...), de redresser la situation dont ils sont victimes et d’empêcher la continuation d’une violation alléguée ». Ce faisant, la Cour de Strasbourg inscrivait la France dans la liste des pays visés par un arrêt « pilote » ou « quasi-pilote » leur intimant de réformer leur système carcéral.

  En 2000, par son arrêt Kudla c. Pologne, la Cour européenne jugeait solennellement que l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme impose aux États d'assurer des conditions de détention conformes à la dignité humaine, faisant de ces stipulations « un nouvel outil juridictionnel au potentiel illimité ». Si l’indignité des conditions de détention dans les prisons françaises est dénoncée depuis de nombreuses années par l’ensemble des observateurs nationaux et internationaux, les voies contentieuses explorées par l’OIP-SF - et par d'autres - ont cependant été particulièrement longues et sinueuses avant que n'intervienne la retentissante condamnation européenne du 30 janvier 2020.  Depuis plus de 15 ans, en effet, une multitude de procédures ont été engagées pour tenter d'offrir aux personnes incarcérées une voie de recours pleinement efficace contre les graves atteintes aux droits fondamentaux nées de conditions de détention contraires à la dignité humaine."

Lire la suite de la Lettre sur le site de la Revue des droits de l’Homme: 


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